MERCI POUR LE CHOCOLAT
Lors d'une énième brèves de comptoir, j'explique au collègue qui m'aide à peaufiner la préparation du second service que rien ne m'agaçe plus que d'avoir à retourner au galley parce que le passager dilaté du 3eme rang préfère prendre des sucrettes avec son café. Sucrette qui à l'instant ou je vous parle se trouvent encore à leur place dans l'armoire épicerie n°702. Tout en remplissant le dessus de mon commodi, j'explique à mon collègue que j'adore que mon trolley déborde de thé, café,chocolat, sucrettes, citron, sucre, gobelets, kits couverts, dosettes de lait... tout pour satisfaire le passager, éviter les innombrables allers et retours au galley qui vous font les pieds comme des poteaux en fin de vol et surtout échapper à la honte en cabine alors que l'agent à l'office essaie désespérément de deviner sur vos lèvres vos demandes farfelues.
En attendant le top départ qui nous verra nous éparpiller en cabine afin de distribuer petits pains et compotes de pommes, je le regarde ajouter la dernière touche à sa verseuse de chocolat chaud dont l'odeur vient me chatouiller les narines
D'abord verser la poudre dans la verseuse, rajouter de l'eau chaude du chauffe eau, mélanger à l'aide de la cuillère en plastique, rajouter le lait tiédi, mélanger vigoureusement jusqu'à l'obtention d'une mousse blanche à la surface. Poser la verseuse bien en vue sur le dessus du trolley entre le café et le thé et servir. Si la chose parait facile en apparence, en réalité il en est autrement. Mon cher ami n'a aucun problème pour préparer sa verseuse, mais, allez savoir pourquoi cela lui arrache les tripes de servir à un passager une tasse de ce chocolat, qu'il a mis 10min à préparer amoureusement. D'ailleurs il n'en propose jamais spontanément, il n'en refuse pas non plus mais en donner lui troue le cul. A chaque fois qu'il propose du thé ou du café et qu'on lui répond
-" Je vais prendre du chocolat chaud".
Inexplicablement, son sang ne fait qu'un tour.
C'est SON CHOCOLAT.
Malgré son aspect onctueux et la bonne odeur qu'il répand, le chocolat de l'avion n'arrive pas à se débarrasser d'une rumeur tenace qui le qualifie d'imbuvable.
Pour ma part, je n'ai jamais osé le goûter. Quand je n'ai pas mes périodes phobiques sur l'eau, je me contente d'un thé Earl Grey pour le coup de pouce du matin. Pour moi qui suis une adepte des bons chocolats maison à la poudre de cacao et au lait demi écrémé épaissis à la maïzena et parfumés, de rhum de zeste de citron, de vanille, de cannelle, de muscade ou d'amandes amères et relevés d'une cuillerée de beurre de cacahuètes pour le goût noisettes, un VRAI chocolat quoi! Et bien pour moi, servir de cobaye et goûter un chocolat qui a été rallongé a l'eau chaude et au lait tiédi est mission impossible. L'expérience que je tire des nettoyages de cabine avec un retour toujours plus important de gobelets, encore à moitié plein des restes d'un liquide marron et immonde, est la preuve que le chocolat de l'avion n'a décidément pas grand chose à voir avec celui qui vous est proposé chez Angelina. Lenôtre n'a décidément pas la côte.
De retour au galley, mon ami finit de me développer sa théorie. Pour lui, les chocolats doivent être à tout jamais bannies des services repas.
-Tu n'exagères pas un peu là?
- Mais non, réfléchis 5mn. Le chocolat, on a beau mettre de l'eau, du lait, du miel, du sucre. Tout ce que tu veux. Qu'on le fasse avec amour ou qu'on s'en foute, le problème reste le même. Il est dégueulasse et les pax ne le boivent pas. Alors, monsieur le passager ne nous enquiquinez pas et faîtes votre chocolat chez vous ou mieux allez chez Ladurée.
Je regardais mon ami perplexe, je n'entretenais pas avec le chocolat, le même rapport passionnel, mais je savais qu'au fond de lui, il venait de résumer la pensée de 50% des pnc qui ne disait pas "merci pour le chocolat"
seeya!